Actualités 2017

Mme PARMENTIER, propriétaire du Château de Lavelanet vient de nous quitter à l’âge de 96 ans. Une page de notre village se tourne : sa famille lui a rendu hommage lors de ses obsèques.

Obsèques de Solange Parmentier Lavelanet de Comminges Vendredi 21 avril 2017

Témoignages

Gérard Parmentier : fils aîné

Hugues Parmentier : fils de Guy

David Parmentier : fils de Bruno

Domitille Gajewski : fille de Claire

Solène Chausse : fille de Bertrand

Gérard(1) Au nom de la famille je voulais tout d’abord vous remercier pour votre présence. Plus on meurt vieux, moins on a de monde à son enterrement, dit-on. Votre présence nombreuse prouve que ce n’est pas toujours le cas, nous vous remercions donc très chaleureusement de l’honneur que vous faites ainsi à la mémoire de notre Mère. Mes frères et sœurs m’ont demandé de faire un résumé de sa vie. L’art est difficile. Comment résumer le mystère d’une vie sans déformer, sans humilier à force de trop réduire ? Je voudrais vous faire échapper au dithyrambe car, en pareille circons- tance, il m’est arrivé trop souvent de trouver qu’on gommait ainsi des facettes moins brillantes de la per- sonnalité ainsi célébrée. Ma Mère avait une forte personnalité et c’était une qualité qui en impressionnait beaucoup. Mais elle avait aussi ses faiblesses, ses défauts et parfois ses méchancetés, même si elle était le plus souvent la première à les regretter. A l’autre extrémité, on assiste souvent aussi à des hommages qui sont un simple empilage d’anecdotes ap- pauvrissantes, réductrices et donc déshonorantes pour la personnalité qui nous quitte. Mon Père, toujours optimiste malgré ses infirmités, me choquait presque lorsque j’étais enfant et que je l’entendais hilare raconter que “les retours de fosse sont toujours heureux !”. Avec l’âge je constate qu’il avait raison. Ne vous privez pas tout à l’heure d’échanger vos souvenirs concernant mes Parents. Je suis sûr qu’ils vous rendront heureux. Mais, pour l’heure, nous commençons la cérémonie d’obsèques de Maman. Une personne âgée qui décède c’est une bibliothèque qui brûle dit un beau dicton africain. C’était le cas. On pourrait dire tout autant que c’est un rapport au monde qui disparaît. Comment alors oser résumer le mystère d’une vie en si peu de mots ? Vous le savez, Maman était croyante, profondément. Sa foi la nourrissait autant qu’elle la nourrissait par sa prière, par ses engagements, et par son travail d’approfondissement et de connaissance. Elle croyait en la Résurrection. Je vous propose donc quelques pistes de méditations parmi d’autres sur ce qui, de mon point de vue, a valeur d’éternité dans sa vie. Je vous propose d’oser ainsi évoquer, modestement, quelques traits de sa personnalité qui donnent du sens à sa vie et donc à la nôtre.

Capacité à transgresser Très tôt sa personnalité s’affirme. Sa capacité à transgresser aussi. Je vous en donne quelques exemples. Jeune femme elle exigea de passer son bac, cela ne se faisait pas. Elle le fit. Elle voulut ensuite faire les Beaux-Arts. Cela lui fut refusé, mais elle obtint de faire les Arts Décoratifs. Elle exigea de pouvoir lire la Bible. A l’époque cela était interdit aux laïcs. Non sans difficulté elle y est arrivée en franchissant les murs de son milieu et en allant en trouver une chez des amis protestants. Jeune mariée elle fit partie du mouve- ment d’église consistant à promouvoir la famille, en particulier avec les équipes Notre Dame et leur revue l’Anneau d’Or. Elle fit partie de cette Eglise qui dans les années 50 et 60 promouvait l’éducation sexuelle et célébrait la beauté de la sexualité liée à l’amour. Ces questions étaient alors tabou dans la société, l’Eglise était alors pionnière. Femme, elle osa se présenter aux suffrages des habitants de Lavelanet et y fut la pre- mière femme élue, encore une fois à une époque où cela ne se faisait pas, elle a d’ailleurs dû se présenter toute seule, aucune liste ne voulant l’abriter. Il n’y a pas de vie et il n’y a pas de progrès sans transgression, sans courage de transgresser, sans prise de risque pour le bien du monde vers plus de liberté, d’éducation, d’égalité, de fraternité. Sa vie, modeste, nous le rappelle.

La nécessaire évaluation Enfant, elle récitait régulièrement avec sa chère sœur Monique une prière implorant son ange gardien de ne pas mourir durant son sommeil, sans avoir eu le temps de se repentir… Mère de famille elle se confes- sait régulièrement et nous amenait à confesse, nous les aînés, tous les 15 jours, à Cazères. Certes, les temps ont changé, pour nous plus que pour elle sans doute… mais il n’y a pas de vie digne et juste sans évaluation et évaluation par un tiers. Cela demeure. Elle, elle voulait se faire régulièrement évaluer par le “Tout Autre”.

Le mal Elle était de cette génération issue du drame absolu qu’a été la guerre de 14, matrice de tous les malheurs du XXe siècle. A force de travailler sur le mystère du mal, à sa modeste place, elle fit très vite partie de ces pionniers qui comprirent enfin que le mal ne vient pas de l’autre, de l’Allemand, de l’étranger, du sauvage ou du monstre, mais qu’il est en nous, qu’il faut l’y connaître à force de travail sur soi, d’ascèse, mais aussi de connaissance de ce qui fait notre condition. La souffrance n’est pas rédemptrice. Jamais. La mort est une horreur. Toujours. Sur ces sujets sa vie fut une longue conversion. La guerre d’Algérie et la découverte que des Français pra- tiquaient la torture furent, par exemple, un des traumatismes qui y contribua. Comme le dit la grande Simone Veil dans une citation retrouvée dans un des carnets de Maman : “Le faux Dieu change la souffrance en violence ; le vrai Dieu change la violence en souffrance.”(2) Elle fit aussi cette autre découverte qui exige confrontation aux autres et travail de discernement car, toujours Simone Veil dans les carnets de Maman : “dès qu’on fait le mal, le mal apparaît comme une sorte de devoir”. Pas plus que nos aïeux, nous ne pouvons échapper au travail sur le mystère du mal. Il n’y aura pas de pro- grès si nous ne nous affrontons pas, nous aussi, au mystère du mal. Il ne suffit pas de s’opposer au mal, il nous faut aussi en comprendre les mécanismes pour mieux éviter sa propagation.

La guerre La guerre l’avait marquée. Le retour de son frère Raymond des camps de concentration, la prise de con- science des massacres systématiques et froidement organisés des Juifs, des Tziganes, des homosexuels, des militants politiques, des malades mentaux et d’autres, plus encore. Cela en fit, entre autres, une ardente militante de la cause européenne. Elle voulait absolument, par exemple, nous faire apprendre l’allemand, mais, de mon temps, il n’y avait pas encore de professeurs d’allemand à Toulouse ! Aujourd’hui, n’en dou- tons pas, elle voudrait nous faire faire de l’arabe et du chinois… La paix n’est jamais donnée, elle est toujours une conquête difficile qui commence par la capacité à dialo- guer. Il faut en prendre les moyens là où nous sommes. Ne l’oublions jamais, nous qui sommes la première génération en France à avoir vécu toute notre vie sans guerre. L’ouverture au monde comme engagement Maman était ouverte au monde et tenait à ce que nous le soyons. Il n’était pas question de rester l’été à La- velanet, il fallait faire quelque chose, ailleurs. Elle était exigeante, sur les études bien sûr, mais surtout sur nos engagements. Elle nous poussait à prendre des initiatives et en assumait les conséquences. Avoir des responsabilités au Lycée ou comme étudiant était pour elle plus important que les notes que nous en rame- nions.

Confiance et progrès Un chrétien n’a jamais peur dit-on, car il sait que Christ le précède en Galilée, mais les chrétiens sont aussi des hommes et leur foi, la confiance qu’ils sont dans le Christ ressuscité ne les empêche pas, parfois, d’avoir de craintes pour l’avenir. Elle en avait. Mais elle était profondément une femme de progrès. Elle suivait assidûment l’actualité et s’efforçait de parfaire ses connaissances sur les sujets et les activités qui lui paraissaient d’importance. On la charriait souvent sur les gadgets qu’elle ramenait à la maison. La nou- veauté l’attirait. Elle aimait essayer. Avec Papa, ils ont créé le premier élevage de poulet du village de ceux qu’on appellerait aujourd’hui “industriel” bien qu’il fut très “écolo”. Ils y ont ramené le premier trac- teur. Tous les deux ils inventèrent sans le savoir le “circuit court” en allant vendre directement leurs œufs frais estampillés “Château de Lavelanet” tous les mercredis aux crémeries toulousaines. Elle s’est mise à l’ordinateur sur ses 80 ans. Elle regrettait souvent que mon Père n’ait pas connu toutes les innovations ap- parues depuis sa mort en 1984, Internet en particulier. Elle ne cessait d’admirer les GPS de nos voitures. La génération qui vient connaîtra elle aussi de grandes innovations. Celles, par exemple, en provenance des NBIC(3), de la préservation de l’environnement, de la volonté ou pas de l’Europe de continuer à contri- buer à l’histoire du monde… Les choix éthiques et politiques qui nous attendent sont immenses. Avoir confiance en l’avenir veut dire s’engager, prendre des options risquées, appliquer le triptyque de l’ancienne (2) Simone Weil – La pesanteur et le grâce – Chapitre “le mal” – Plon, collection 10/18 (3) Nanotechnologies, biotechnologies, sciences de l’information et sciences cognitives

Action Catholique “Voir – Juger – Agir” en se souvenant que “juger” pour un chrétien veut dire vérifier l’adéquation des faits au plan d’amour de Dieu pour notre voisin comme pour l’humanité. La question que nous pose la vie de Maman est donc de savoir ce qui, dans nos engagements, justifie la confiance qu’on peut avoir dans l’avenir que nous bâtissons, le nôtre et celui de nos enfants.

Confiance et avenir Elle avait la foi ce qui veut dire qu’au-delà de ses craintes et parfois de ses frayeurs, elle avait confiance. Combien de fois elle nous a raconté qu’elle se désespérait d’entendre, durant les années 50, les hommes ri- goler en se racontant leurs souvenirs de guerre. Elle en concluait que ça ne pourrait jamais finir. Pouvait- on faire des enfants dans ces conditions ? La guerre atomique était probable. Eh bien oui, malgré l’infirmi- té de Papa, malgré les incertitudes, malgré la dureté des temps, ils en eurent 6 sans compter une fausse couche tardive qui nous a ensuite valu d’avoir une dernière petite sœur.

La terre promise Bien sûr l’arrivée en 1951 à Lavelanet à cause de l’infirmité de Papa fut un drame. Un monde s’écroulait. La foi encore. Chrétienne, elle connaissait son histoire, celle d’Abraham quittant son pays et de tant d’au- tres figures d’immigrés et d’étrangers à travers la Bible. Malgré la détresse et les pleurs, sa terre promise à elle devait être Lavelanet. Habitants de Lavelanet vous avez su nous accueillir. Lavelanet est devenue sa terre au point qu’elle n’avait plus qu’un désir : ne la quitter sous aucun prétexte. Elle voulait mourir chez elle. Elle y est arrivée, de fait. Lavelanet n’a pourtant pas vocation à l’éternité. Ce qui demeure, c’est notre capacité d’enracinement là où la vie nous mène. Femme brillante, ailleurs et à notre époque, elle aurait certainement pu faire une carrière à la hauteur de ses possibilités, de son potentiel, accéder à de grandes responsabilités ou participer à de grandes réalisations. Sauf exception on ne choisit pas le lieu où l’on vit, on ne choisit jamais son époque, on dépend aussi des circonstances. L’histoire de Maman nous rappelle que la vie nous déracine, qu’il faut reprendre racine là où nous sommes, que la terre promise est là où nous sommes et que c’est à nous d’y faire couler le lait et miel. Amis de Lavelanet soyez remerciés pour votre accueil, pour l’avoir élue à la municipalité, pour en avoir fait une des vôtres. Permettez moi aussi d’évoquer quelques-unes des grandes amitiés qu’elle a connues ici, Madame Brumas, Madame Bertho, parties avant elle, Madame Bergougnan encore si proche, me viennent immédiatement à l’esprit. Pardon pour ceux et celles que je ne cite pas. Les grands hommes sont parmi nous Au-delà du Christ et de la figure de la Vierge, Maman avait ses grands hommes. Combien de fois ne nous a-t-elle pas dit qu’elle avait été heureuse d’avoir vécu à l’époque de Gaulle et de Jean-Paul II. Ces dernières décennies, parmi de nombreux auteurs, elle se nourrissait des récits évangéliques de Maria Valtorta dont elle avait même traduit les nombreux ouvrages. Nous avons tous connu des figures marquantes qui nous ont permis de nous structurer, de garder con- fiance, de nous engager pour le bien commun, de progresser dans la connaissance du mystère de notre condition. Cette quête de grands hommes, ici, maintenant, près de nous demeurera. Dans la discrétion et le secret de nos êtres, Maman nous interroge : qui sont nos grands hommes ? Sont-ils vraiment ceux qui ici, maintenant, nous permettent de participer au salut du monde ? Au-delà de la mode du dénigrement et du “tous pourris” savons-nous les reconnaître ? Les rejoindre, car ils – elles – sont parmi nous ?

La force du beau Maman aimait le beau, le beau sous toutes ses formes. Elle l’aimait parfois au-delà du raisonnable. Un plat dont la présentation n’était pas belle était raté. Nous nous préférions qu’il soit bon et nous rigolions du drame qui se nouait lorsque le gâteau avait attaché au moule ! L’image de soi comptait beaucoup, c’était pour elle une question de dignité et de respect des autres. Du coup la maladie prenait une dimension diffi- cile pour elle car elle touchait aussi à l’image. Mais revenons au beau. Avec son Père, Etienne de Lassus, elle nous a initiés à la musique, à Bach en particulier. Ce qui reste, c’est que la forme, souvent, dit le fond, que la beauté élève et que la reconnaître et la cultiver élève aussi. L’écriture d’icônes Elle disait toujours que durant sa vieillesse elle écrirait les mémoires illus- trées de ses enfants et de ses petits enfants. De fait à la mort de Papa, elle reprit le chemin des Beaux-Arts. Dessin, peinture, gouache, aquarelle, fu- sain, nus, nature morte, elle travailla tout. Mais elle trouva sa voie ailleurs. Non pas, finalement, dans la réalisation des mémoires de sa des- cendance mais dans l’écriture d’icônes, comme on dit. La foi toujours. Le but n’était plus de traduire la beauté ou la dureté d’un paysage, d’un événement, d’un sentiment, d’un visage. Après de longues prières, le but était de tenter d’exprimer un mystère. La foi, de nouveau, mais cette fois-ci dans les mystères qu’elle ré- vèle, l’articulation des mystères de la vie, de l’anthropologie et de la révélation sur notre condition hu- maine et sur le chemin qui mène à son salut. Nous aussi, quels que soient nos rapports à la foi chrétienne, nous aurons toujours à méditer, à approfondir ces mystères.

La fidélité et solidarité Pour finir je voudrais souligner la fidélité de Maman. Fidélité à ses idéaux, fidélité à ses amis, fidélité à son mari. Aujourd’hui la mode et, ou, la confusion des valeurs, conduirait à divorcer immédiatement d’un homme qui devient infirme à la trentaine et qui vous contraint à l’exil en terre inconnue. Elle a beaucoup souffert de cette maladie, mais le ménage a tenu. Il n’y a pas de vie possible, de paix possible sans un mi- nimum de fidélité et, pour finir, de solidarité. Papa et Maman ont vécu grâce à la création de la pension in- validité quelques mois avant que la maladie arrive. Quel progrès pour notre société ! Papa racontait qu’il avait introduit la clause dont il aura bénéficié quelques mois après dans la convention qu’il avait négociée à la CEGEDUR à la fin des années 40, sans savoir qu’il en serait un jour un des bénéficiaires. “J’ai eu beaucoup de chance” disait-il. Je ne sais pas s’il en avait parlé à Maman, mais l’initiative dénotait un sens aigu de l’attention aux autres et beaucoup de courage pour négocier l’accord car on imagine les critiques et objections dont il a dû faire l’objet il y a 70 ans ! Payer les infirmes à ne rien faire ! Maman, à son tour, la vieillesse venue, a bénéficié de la solidarité de la communauté nationale et de beau- coup de ses voisins. Comment ne pas citer ici Antoine Cratère, qu’elle appelait “son perpétuel secours”, l’extraordinaire équipe d’infirmiers, Annick Vasquez, André Delavigne, Agathe Morin mais aussi Hélène Comté, Christine Chipot, qu’elle appelait “ma Christinette” et plus récemment Lourdes Chalduc… Non, il n’y a pas de vie sans fidélité et sans solidarité. Je m’associe ici à ma Mère, avec toute la famille, pour remercier très, très chaleureusement ceux qui par leur vie nous le rappellent et s’y sont consacré pour elle. Voilà me semble-t-il quelques pistes parmi celles qui nous introduisent à une méditation sur l’éternité de Maman… Il y aurait tant de choses à dire encore… Il aurait par exemple fallu évoquer l’ALCC(4), le catéchisme, L’eau Vive, plusieurs mouvements d’action catholique, l’ACGF(5) en particulier – ils ont tant compté pour elle ! -, Le scoutisme, sa vie de couple, l’in- fluence de ses Parents, de ses Grands-Parents, ses grandes amitiés – si nourrissantes pour elle, entre autres celle pour sa chère sœur Monique, mais aussi, parmi celles non encore citées, Odile Herman(6), Micheline Lawton et Françoise van Lynden(7), Marie Louise d’Ornellas(8), Madame de Rémusat(9)… – son attachement à la République, les conflits de valeur qui la structuraient, son aptitude à la compassion, son goût pour l’ac- compagnement… tant de choses encore ! Mais le temps de l’A Dieu est venu ! Avant de partager le plaisir d’être ensemble, qu’on partage sa foi ou qu’on ne la partage pas, il est temps de prier autour et pour notre défunte. Maman, j’espère ne pas avoir trop réduit le mystère de votre vie par cette courte introduction à vos obsè- ques et à votre éternité. Mes amis, vous savez que “bénir” quelqu’un cela signifie “en dire du bien”. Pour célébrer l’entrée de Ma- man dans l’éternité, soyez bénis pour votre présence ! Bénissons-nous les uns les autres d’être là, autour d’elle ! Maman, à cet instant, pour nous tous, vos amis, vous êtes “bénie entre toutes les femmes”. Père Dominique, elle bénissait le ciel de vous avoir rencontré. Merci à vous tous. (4) Association des laïcs pour une culture chrétienne : association qu’elle avait fondée sur le secteur de Cazères et qui fut très active durant plusieurs années. (5) Action Catholique Générale Féminine (6) Amie très tôt décédée, dont le portrait est à Lavelanet (7) Toutes deux nées Banzet (8) Connue à L’aigle (9) Plus âgée qu’elle, qui habitait Saint-Elix

Hugues

Il y a quelques années, Bonne-Maman et moi avions eu une longue discussion sur le titre de l’ouvrage qu’un homme politique venait de publier, « Sans mémoire, le présent se vide ». Alors qu’elle vient de nous quitter, je voudrais que nous, ses 21 petits- enfants, réfléchissions un moment à ce qu’elle nous a apporté. Il y a, bien sûr, ce goût immodéré et impulsif pour l’achat de gadgets, attrait de la nouveauté qui révélait sa confiance en l’avenir. Les tiroirs de Lavelanet regorgent de ces trouvailles à l’efficacité discutable et nos moitiés respectives peinent parfois à comprendre notre enthou- siasme pour telle ou telle innovation. Bonne-Maman, c’était aussi des jugements tranchés. C’était vrai en matière artistique, comme l’illustraient ses notes assez cruelles grif- fonnées sur les jaquettes de ses disques, ou le fameux « j’ai trouvé cela assommant » au sujet de nombreux films. C’était vrai également dans la vie, et beaucoup d’entre nous ont appris à leurs dépens à être moins… directs. Bonne-Maman était aussi indépendante d’esprit, n’hésitant pas à se présenter en solo aux élections muni- cipales de Lavelanet après s’être entendue dire que ce n’était pas la place d’une femme, ou à créer une équipe de catéchèse pour répondre à certains errements du temps qui, à ses yeux, remettaient en cause des valeurs fondamentales. Cette préférence pour la liberté et l’autonomie est aussi la raison pour laquelle elle nous a aimés tous inconditionnellement, alors que nous sommes si différents dans nos personnalités et nos choix de vie. Cependant, revenant à cette phrase, “sans mémoire, le présent se vide”, je crois que le véritable apport de Bonne-Maman dans nos vies, c’est un triple ancrage. • Un ancrage géographique, d’abord. Bonne-Maman se confondait avec Lavelanet. Elle qui, toute son en- fance et sa jeunesse, avait passé ses vacances à La Nine, non loin d’ici, nous a toujours accueillis dans ce sud-ouest qu’elle aimait tant. En entrant dans nos vies d’adultes, chacun d’entre nous a ressenti le be- soin de venir à Lavelanet avec son ou sa fiancée, tant il est vrai qu’une partie significative de notre per- sonnalité s’est construite ici. • Un ancrage familial, ensuite. Bon-Papa est mort il y a trente-trois ans, et peu d’entre nous ont vraiment connu ce héros au sourire si doux, dont nous avons tous en tête le portrait en tenue d’officier de spahis. Bonne-Maman le rendait pourtant très présent en l’évoquant régulièrement. C’était aussi le cas de tous ses devanciers, dont les photos décoraient sa chambre : Étienne de Lassus, son père ; Grand-Mamie, sa mère ; Maurice Margot, son Bon-Papa, dont les épaisses moustaches blanches nous fascinaient ; ou en- fin Alice de Lassus, sa grand-mère, de qui elle tenait son goût de la musique. • Un ancrage spirituel, enfin et surtout. Bonne-Maman avait mis ses talents au service de sa foi, en écri- vant les icônes qui décorent aujourd’hui nos foyers. Si tous parmi nous ne sont pas croyants, chacun peut attester avoir connu en Bonne-Maman une chrétienne à la foi inébranlable, qui lui a servi de roc face aux épreuves de sa longue vie. Il est précieux de nous en souvenir face aux tourments de nos exis- tences. Aujourd’hui, chère Bonne-Maman, nous avons de la mémoire, et notre présent n’est pas vide. Ces trois an- crages, géographique, familial et spirituel se confondent. En attendant la Résurrection, vous reposerez à Lavelanet, où vous aurez vécu 65 ans, dans cette vallée de la Garonne où vos aïeux sont inhumés depuis, dit-on, dix siècles, à commencer par vos parents. Vous rejoignez Bon-Papa, Charles Parmentier, l’amour de votre vie, avec lequel vous avez fondé cette famille qui perpétuera votre souvenir. Vous entrez dans la Maison du Père : aujourd’hui, vous voyez ce que vous avez cru. À l’heure de se dire À Dieu, vos petits-enfants se tournent vers les Pyrénées et murmurent la prière fami- liale « Dieu de lassus, loenus lassus », ou plus précisément, « Dieu de là-haut, loge-la là-haut. »

David au nom des cousins: Merci Bonne-maman pour tous ces beaux moments de notre vie passée à vos côtés à Lavelanet ! Merci pour nous avoir tous réunis, les cousins, les cousines, lors de ces fa- meux étés. Nous en garderons toute notre vie de merveilleux souvenirs mêlés de grande liberté, de camaraderie, de bon repas, de sauts dans la piscine, de grands jeux dans le parc.

Avec tous les cousins, je me souviens de votre grand sourire apportant le fameux goûter (les chocolatines !) à la piscine sous les hourras !

Avec tous les cousins, je me souviens de votre top départ pour la grande course des “Jeux Olympiques” de Lavelanet et de vos mains qui nous passaient autour du cou toutes nos médailles durement acquises !

Avec tous les cousins, enfin, je me souviens de votre joie exprimée à chacun de nos mariages, grands projets, diplômes, et de chacune des naissances de vos arrières petits enfants. Domitille Bonne Maman, je n’aurai jamais assez des trois minutes que l’on m’a accordées pour vous dire à quel point vous al- lez me manquer. Vous étiez si importante pour moi, pour beaucoup de raisons ! Un immense merci pour tous les innombrables souvenirs que vous nous avez offerts grâce à Lavelanet. Le goût des chocolatines autour de la piscine était unique. Seuls ceux qui y ont goûté ici et peut-être Proust avec sa madeleine peuvent comprendre de quoi je parle. Merci pour m’avoir aidée à me construire en m’accompa- gnant pas à pas. Vous avez été pour moi cette main qui ac- compagne l’enfant lors de ses premiers pas. Toujours pré- sente, jamais très loin. Celle qui encourage à faire le pas suivant et qui vous rattrape à chaque fois. Celle qui rassure, qui aide à passer les difficultés et qui, quoi qu’il arrive nous empêche de nous arrêter et d’abandonner. Par votre exemple, vous m’avez montré com- ment vivre avec courage et confiance. Enfin, je voulais vous remercier pour m’avoir aimée comme vous l’avez fait de façon si constante et dis- crète. Votre affection était faite de simplicité, de discrétion, de tendresse. Ces dernières années, nous avons passé quelques semaines toutes les deux. Ces moments où vous me laissiez entrer dans votre quoti- dien étaient des bulles d’oxygènes suspendues hors du temps. Vous me faisiez goûter au calme d’une vie ri- chement remplie. Il me semble que nous y avions trouvé une précieuse complicité. Je terminerai par cette phrase, qui, lorsque je l’ai lue, m’a fait penser à vous, à nous : “on re- connaît l’amour véritable à ce que le silence de l’autre n’est plus un vide à remplir, mais une complicité à respecter”. Je vous souhaite bon voyage Bonne-Maman. Merci d’avoir été ma, notre, Grand Mère, si spéciale pour chacun d’entre nous.

Solène Chère Bonne-Maman, Au moment de vous dire au revoir, nous tenions à saluer la Guide que vous fûtes. Nous aimions écouter vos souvenirs d’Akéla pendant la guerre et vous étiez heureuse d’entretenir une correspondance avec vos anciens louveteaux. « La promesse est une force. D’autres l’ont faite avant toi. D’autres la feront après toi » est-il écrit dans le livre du Lézard qu’on lit tradition- nellement la veille de sa promesse. Beaucoup de vos enfants et petits-enfants vous ont suivi dans votre en- gagement Scout, ce que vous avez toujours favorisé. Vous avez de nom- breuses fois accueilli à Lavelanet nos camps Jeannettes, Louvettes et Guides, vous joignant à nous avec votre authentique chapeau 4 bosses pour un rasso, une prière, une veillée ou encore un concu. C’est pourquoi je propose à tous ceux qui ont fait leur promesse de sa- luer notre Grand-Mère cheftaine en reprenant le refrain du chant de la promesse scoute : « Je veux t’aimer sans cesse, de plus en plus, protège ma promesse, Seigneur Jésus ».